« L’espace intérieur de la Renaissance est calculé pour que l’homme le maîtrise, pour qu’il puisse le combler de son sentiment vital ; dans le baroque, l’homme est englouti par l’espace, la démesure le submerge. »
Longtemps, le terme baroque fut employé pour décrire le style en lequel la Renaissance se serait désintégrée. Renaissance et baroque est le premier ouvrage d’histoire de l’art à envisager les choses autrement et à démontrer que le baroque, loin d’être réduit à une dégénérescence, relève au contraire d’une esthétique propre. Pour définir ses valeurs formelles, le jeune Heinrich Wölfflin — celui‑là même qui deviendra l’un des plus grands théoriciens de l’art du xixe et du début du xxe siècle — va les opposer à celles du classicisme de la Renaissance. Il compare ainsi les œuvres des maîtres tels que Bramante, Raphaël, Peruzzi, Sangallo, Michel-Ange, Vignole, Della Porta, Maderna, et s’appuie sur des exemples romains, là « où on savait le mieux ce qu’est une forme rigoureuse », là aussi où eut lieu « la transformation la plus complète et la plus radicale de la Renaissance ». À travers l’évolution des styles et des goûts dans la peinture et la sculpture, mais surtout dans l’architecture des églises, palais, villas, fontaines et jardins, c’est l’expression de l’état d’âme de la société italienne des xvie et xviie siècles qui est ici révélée. Une éblouissante leçon d’histoire de l’art.
Heinrich Wölfflin (1864-1945), historien d’art suisse. Élève de Burckhardt, il enseigna en Suisse et en Allemagne ; c’est pour lui que fut créée la première chaire d’histoire de l’art. Précurseur, il fut le premier à défendre l’idée selon laquelle on peut définir un style en analysant la forme. Son influence dans le domaine de l’histoire de l’art mais aussi dans d’autres disciplines, comme la littérature, est fondamentale. Il eut notamment pour disciples Alfred Neumeyer et Sigfried Giedion. Outre Renaissance et baroque (1888), il publia L’Art classique (1899) et Principes fondamentaux de l’histoire de l’art (1915).