Longtemps, l’histoire de l’art a consisté en l’analyse des symboles, des sujets, des biographies d’artistes. Heinrich Wölfflin, à travers Principes fondamentaux de l’histoire de l’art, paru en 1915, a radicalement changé la façon de regarder les œuvres. Il va ériger une véritable discipline dotée d’une méthode rigoureuse basée sur le comparatisme. S’appuyant sur la période des XVIe et XVIIe siècles, aussi bien en Italie qu’en Europe du Nord, il va confronter des œuvres représentatives de la Renaissance et du baroque en appuyant sa démonstration sur cinq couples de catégories : le passage du linéaire au pictural, le passage — dans la présentation — des plans parallèles à la profondeur, le passage de la forme fermée à la forme ouverte, le passage de la pluralité à l’unité et la clarté absolue ou la clarté relative des objets présentés. En étudiant tableaux historiques ou religieux, peinture de paysages, portraits ou même natures mortes, Wölfflin va « faire parler les contrastes » entre deux types, saisir les transformations, les styles et, plus largement, révéler la physionomie générale d’une époque, sa conception du monde.
« Botticelli et Lorenzo di Credi s’apparentent par leur époque et leur lieu d’origine ; tous deux sont des Florentins de la fin du Quattrocento. Or, quand Botticelli peint un corps féminin, celui-ci, de par sa nature même et par un certain mode d’appréhension de ses formes, lui appartient aussitôt en propre, et se différencie d’un nu de Lorenzo aussi nettement qu’un chêne d’un tilleul. »
Heinrich Wölfflin (1864-1945), historien d’art suisse. Élève de Burckhardt, il enseigna en Suisse et en Allemagne ; c’est pour lui que fut créée la première chaire d’histoire de l’art. Précurseur, il fut le premier à défendre l’idée selon laquelle on peut définir un style en analysant la forme. Son influence dans le domaine de l’histoire de l’art mais aussi dans d’autres champs, comme la littérature, est fondamentale. Il eut notamment pour disciples Alfred Neumeyer et Sigfried Giedion. Outre Principes fondamentaux de l’histoire de l’art (1915), il publia Renaissance et baroque (1888, nouvelle édition française Parenthèses, 2017), L’Art classique (1899)…