L’éclairage particulier sur une région et une période, au‑delà de la trop restrictive approche monographique, concourt à une lecture renouvelée de bouleversements historiques majeurs : évolution des Empires ottoman et russe avant leur révolution respective, génocide, stalinisme, dissidence, terrorisme… Une analyse confrontée de tels événements est d’autant plus précieuse que l’époque voit la disparition des débats d’idées et l’absence de toute prophétie sociale ou politique. Cet ouvrage ne traite pas uniquement d’une histoire — celle des Arméniens durant le siècle qui s’est écoulé entre 1880 et 1990, de l’entrée en scène des premiers partis révolutionnaires jusqu’à la grande crise traversée par toute la Transcaucasie et l’éclatement de l’Union soviétique. Il s’agit plutôt d’« histoires croisées » entre peuples voisins et entre entités d’une même nation. « État » et « diaspora », c’est cette double réalité, en effet, qui explique la place particulière occupée par les Arméniens dans notre conscience historique.
Anahide Ter Minassian (26 août 1929 - 10 février 2019) était historienne. Issue d’une famille de militants arméniens, originaires de Mouch, elle a poursuivi ses études à la Sorbonne et obtenu son agrégation d’histoire ; elle a enseigné à partir de 1969 à l’Université de Paris I puis à l’École des Hautes Études en Sciences sociales. Ses recherches ont principalement porté sur l’histoire des Arméniens aux xixe et xxe siècles, et notamment sur l’émergence et le rôle des mouvements révolutionnaires. Elle s’est particulièrement intéressée aux aspects sociaux et culturels des différentes communautés de la diaspora et a publié d’innombrables études dans des revues spécialisées. Ses principaux articles ont été regroupés en volume dans deux ouvrages : La question arménienne (Parenthèses, 1983) et Histoires croisées, diaspora Arménie, Transcaucasie, 1890-1990 (Parenthèses, 1997). Elle a coordonné et présenté avec Kéram Kévonian l’édition française du récit de sa grand-mère Gulizar, victime et héroïne d’un épisode emblématique dans la vie des communautés de l’Empire ottoman (Arménouhie Kévonian, Les noces noires de Gulizar, Parenthèses, 2005). Son histoire de la première indépendance arménienne a paru aux éditions Complexe (La République d’Arménie, 1918-1920, Complexe, 1989, 2006). Elle a coordonné et préfacé (avec Houri Varjabédian), l’anthologie Nos terres d’enfance, l’Arménie des souvenirs (Parenthèses) et traduit de l’arménien le récit de Vahé Oshagan Onction (Parenthèses, 2019).