Résultat : justes milieux

Yves Jeanmougin

Marseille / Marseilles

Textes de Franco Beltrametti, Julien Blaine, Moncef Ghachem, Gérard Guégan, Michéa Jacobi, Manuel de Lope, Jean-Pierre Ostende, Léila Sebbar, Ousmane Sembene.  

Collection : Photographies
22 × 33 cm, 112 p., 119 photographies en bichromie, 1992.
ISBN 2-86364-065-8
Prix : 10 €

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Né au Maroc en 1944, Yves Jeanmougin a réintégré la France en 1956. Il vit et travaille à Marseille depuis 1981. Photographe de reportage à l’agence Viva de 1973 à 1986, il rejoint ensuite l’agence Rapho qui diffuse désormais les multiples travaux qu’il consacre presqu’exclusivement à des milieux minoritaires ou défavorisés : enfants napolitains au travail, indiens Montagnais au Québec, Jeunes détenus de la maison d’arrêt des Baumettes à Marseille, appelés du contingent en manœuvres, etc.
Les images publiées dans ce livre appartiennent à un ensemble de photographies réalisées au cours d’un long reportage sur les différentes communautés de Marseille. Ce travail, initié en 1981 en collaboration avec la sociologue Chantai Balez, s’est poursuivi jusqu’en 1990.
Ces « photos de famille », qui lèvent le voile sur l’aujourd’hui de la ville, ont requis une profonde complicité des personnages : la plupart des clichés sont d’abord des photographies posées. C’est là le résultat d’un minutieux travail d’approche, d’« apprentissage » des modèles, d’exploration et de compréhension des différentes manières d’être communautaires. Car Yves Jeanmougin photographie dès lors que ses « sujets » sont en parfaite sympathie avec son projet, qu’ils y adhèrent et y participent. C’est ainsi que les intérieurs, les « décors » sont volontairement mais pudiquement révélés et qu’ils pointent une réalité marseillaise profondément ancrée au-delà des images de quartiers traditionnellement marqués, au fil de l’histoire, d’une présence migratoire.
Si les destins individuels percent parfois les portraits, il convenait en outre de fixer les manifestations visibles par lesquelles les groupes demeurent attachés à leur pays d’origine et de repérer ces signes d’appartenance collective qui réactivent la cohésion sociale, et que multiplient ces moments privilégiés à cet égard : fêtes religieuses, baptême mariage ou décès, rituels, commémorations, rencontres festives, folklore parfois... Et si ces images semblent rebelles au discours, elles offrent leur richesse documentaire pour écrire, peut-être, ces histoires de vie qui font, elles aussi, l’Histoire.
Marseille (Marseilles), mémoire de traversée, d’éphémère, de migrances, de départs et d’arrivées, de rejets, d’aversion, d’amour déraisonnable, conforte ici son mythe exemplaire. Marseille n’est pas une fenêtre ; elle est un miroir qui tend son opacité à tous ces impérialismes — l’oppression et la caricature — qui la nourrissent, car elle sait que son exultation reste inaccessible à l’autre, à l’indigène.
Anne-Marie Lapillonne