La ville dite « ordinaire », partie qui échappe aux plans d’urbanisme et aux grandes opérations urbaines, constitue l’essentiel du tissu des villes européennes. Jusque-là mésestimée, elle est désormais un objet incontournable de la recherche en morphologie urbaine. Produit d’une histoire interstitielle, difficilement saisissable, elle reste encore largement méconnue.
Pour contribuer à son décryptage, mettre au jour les grands principes selon lesquels elle prend forme et évolue dans le temps long, c’est dans l’histoire lyonnaise, précisément celle de la rive gauche du Rhône, que l’auteur a mené l’enquête. Là où, au XVIIIe siècle, la puissante institution des Hospices civils de Lyon possédait de vastes étendues de terrains ponctuées de fermes, de guinguettes et demarécages, dont le destin allait être de devenir le deuxième centre de la ville.
Grâce à la richesse des archives de ces Hospices civils, c’est de masses en îlots, de baux de location en actes de vente, de règlements de bâti en projets d’embellissement que l’on suit la progression de la ville par-delà le Rhône sur près d’un siècle et demi.
Peu à peu, les maisons de pisé des bords du fleuve disparaissent au profit d’immeubles cossus, des rues et places se dessinent, des églises, des écoles, des monuments s’érigent, de nouveaux modèles de bâti se font jour.
Affleurent ainsi les grandes règles de fabrication de la ville ordinaire, faisant de cette épopée urbaine, outre le récit d’une destinée particulière, un précieux apport méthodologique à l’histoire des formes urbaines.
Historienne de l’architecture, de l’urbanisme et des formes urbaines, Anne-Sophie Clémençon est chargée de recherche cnrs à l’École normale supérieure de Lyon (laboratoire Environnement Ville Société, université de Lyon). • Ses travaux portent sur la fabrication de la ville ordinaire et ses relations avec les modèles dominants, ainsi que sur le patrimoine architectural lyonnais du XIXe au XXIe siècle, qu’elle a contribué à identifier et protéger. • Elle a publié de nombreux ouvrages et a notamment coordonné Les Gratte-ciel de Villeurbanne (2004). Elle a initié et participé à des programmes de recherche comme « L’art urbain en Rhône-Alpes » (1990), « La protection des pentes de la Croix-Rousse » (1992) et « Urbanisme et sécurité » (2010).